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Mohamed Bendriss Alami; Les Effets de la Covid-19 sur les Femmes et les Enfants

LES EFFETS DE LA COVID-19 SUR LES FEMMES ET LES ENFANTS - UN REGARD CRITIQUE SUR LE PLAN MONDIAL ET NATIONAL


Par Mohamed Bendriss Alami *


Depuis que la Covid 19 a débarqué dans notre pays, le gouvernement sous le leadership de SM le Roi est en action afin de mitiger les effets néfastes de cette pandémie, dont les premiers rebondissements remontent au mois de Décembre 2019 en Chine et le 3 mars au Maroc. Les semaines et les mois passent, et le Monde semblait être paralysé, désorienté et terrorisé par la pandémie Covid 19, notamment à cause de son impact dévastateur sur plusieurs secteurs aussi bien économiques que sociaux. Cette crise d’origine sanitaire a bien montré le rapport ombilical, entre le social et l’économique. Une corrélation qui pourra être appréhendée dans presque toutes les composantes de l’activité humaine, mais cela ne fait pas partie de la présente réflexion. Ici nous allons nous concentrer essentiellement sur l’impact de la pandémie sur une masse critique de la population, celle constituée par les femmes et les enfants. Cette préoccupation n’est pas justifiée seulement par les circonstances actuelles, spécifiques à la crise, mais une préoccupation permanente, eu égard aux séquelles que cette pandémie risque de projeter sur la phase post-crise. Bien que des données spécifiques concernant l’impact de la présente crise sur les femmes et les enfants, ne soient pas encore disponibles, nous avons des données de l’avant crise, indiquant comment cette couche de la population est fragile et vulnérable. C’est le propos de cette modeste réflexion, d’attirer l’attention du gouvernement et de différents acteurs de la société civile, sur la nécessité de protéger cette importante catégorie de la population.


L’ordre économique mondial sous la menace du virus. Ce virus insignifiant le Covid19, est un ennemi redoutable, qui utilise le corps humain pour sa propagation et sa reproduction. ‘’Inconsciemment’’, il est arrivé à brouiller les cartes du capitalisme au niveau mondial. Il a obligé ainsi les gouvernements, assistés de leur respectifs ‘’think tanks’’, à réfléchir sur les causes profondes de ce phénomène, afin d’analyser ses effets sur l’économie mondiale, dans une atmosphère marquée par des spéculations et du prophétisme, projetant une diversité de scénarios concernant l’avenir de l’humanité.


Le Monde, est désormais gouverné (de facto) par les règles et les pratiques imposées par de la Globalisation, sous l’impulsion des multinationales et les institutions financières internationales (FMI, BM). Quant au système des Nations Unies, il semble de plus en plus marginalisé, voire concurrencé par ses propres membres, notamment les détenteurs du Veto au du Conseil de Sécurité. Cette marginalisation explique la présente carte géopolitique mondiale, entachée d’innombrables points de tensions, de conspirations, de violences, de conflits et d’injustices, que l’Organisation des Nations Unies se voit incapable de gérer, et beaucoup moins de résoudre.


L’avènement de la Covid 19 a révélé dans notre pays le Maroc, un certain nombre de faits, de phénomènes inattendus, de comportements et de valeurs qu’on croyait perdus pour toujours. Elle a révélé aussi les effets négatifs de la crise pandémique, conséquents du confinement et les restrictions sociales. Cette confiscation des libertés de mouvement, a provoqué la perte totale ou partielle de l’emploi, conduisant à la récession économique avec des conséquences négatives sur les revenus des ménages, d’au le stress familial et social aggravé par la désinformation et l’intoxication médiatique. Un ensemble de préoccupations et d’inquiétudes, dont les responsabilités sont partagées entre le gouvernement, les familles, la société civile et certaines instances internationales, elles aussi surprises par la Covid 19.


Le Maroc un partenaire qui assume ses responsabilités. Pendant les quatre dernières décades, le Maroc a accomplis un travail remarquable dans le secteur socio-économique, sous l’impulsion des institutions internationales spécialisées, notamment l’UNICEF, l’OMS, le FNUAP, le PNUD, la FAO, la Banque Mondiale, le FMI et les autres institutions régionales. C’est ainsi qu’il est passé du statut d’assisté au statut de partenaire, en apportant sa contribution, consolidée dans la planification nationale et le budget de l’État. En plus, cette volonté d’ouvrer pour le Développement Humaine Durable (INDH) a été intégrée dans les dispositions de la nouvelle Constitution de 2011, complétée par un long processus d’harmonisation de la législation nationale avec les conventions et les chartes universelles, notamment la Convention des Droits de l’Homme, la Convention des Droits de l’Enfant (1) et la CEDAW (2). Progressivement notre pays s’est orienté vers la création de mécanismes de suivi, afin d’assurer la mise en application de ces droits et garantir leur pleine jouissance. C’est une responsabilité partagée entre le gouvernement et la société civile (3).


Afin de confirmer son engagement, le Maroc est tenu d’évaluer les conséquences de cette crise sanitaire sur les femmes et les enfants, ceci afin de prendre des mesures appropriées visant à pallier les effets de cette pandémie. Au niveau mondial, c’est une situation qui frappe environ 186 pays du globe, tel que déclaré par la directrice générale de l’UNICEF (4) le 9 Avril 2020 à New York.Elle a indiqué aussi que 99% d’enfants au monde vivent dans une forme quelconque de confinement et de restriction des mouvements, 60 % d’entre eux, se trouvent dans des pays où ils sont soumis à un confinement total ou partiel. Presque 1,5 billion d’enfants sont en dehors de l’école. Au Maroc, cette situation de confinement a obligé environ 11 millions d’enfants, adolescents et jeunes à rester chez eux. Une bonne partie d’entre eux suit l’éducation en ligne et par TV, dont la qualité ne semble pas donner entière satisfaction aux familles. S’agissant d’une première expérience de ce genre, la préparation fut précipitée et la couverture limitée, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural.


Les effets négatifs du Confinement. La perte de l’emploi au sein des familles, notamment celles les plus vulnérables (24%) (5) a eu des conséquences très graves sur les femmes et les enfants. Cette situation pénalise doublement cette catégorie de la population, premièrement par la perte du revenu couvrant les dépenses quotidiennes de la famille, et puis la conformité aux obligations du confinement, notamment les restrictions de la mobilité et l’interruption des rapports sociaux. Cet embargo préventif a provoqué la fermeture des établissements de l’enseignement, ainsi que l’interdiction ou la ‘’rationalisation’’ des sorties, le bannissement des activités sportives et du loisir, la suspension des activités culturelles y compris la fréquentation des lieux du culte et la réduction drastique des cérémonies d’inhumation.


Souvent les familles restent concentrées dans un espace assez étroit, sans savoir comment gérer l’abondance du temps passé à la maison d’une manière inhabituelle ; comment se familiariser avec le quotidien familial devenu étrangement différent ? Le confinement domestique a débouché sur certains problèmes d’attributions et de structure de la Division Domestique du Travail, notamment la répartition des taches homme / femme. Pour certaines familles, la précarité de relations entre les deux conjoints c’est vu se transformer en un calvaire quotidien, caractérisé par le chantage, la vengeance et le manque de respect. C’est ainsi que la vie familiale est devenue une poudrière, un environnement de stress et de frictions, se terminant parfois par des violences physiques, verbales, psychologiques, sexuelles, voire même par des grossesses indésirables. Bien évidement, cette description n’a pas la prétention de dresser l’image du comportement de toute la société marocaine pendent le confinement ; celle ci à brillé par un excellent comportement, caractérisé par une multitude d’exemples de solidarité, de cohésion sociale, de sérénité et de générosité.


La violence contre les enfants et les femmes un phénomène social à endiguer. En ce qui concerne la violence contre les enfants, ce n’est pas un phénomène de circonstances. Déjà en juin 2017, une étude de l’UNICEF concernant la violence contre les enfants, âgés entre 2 et 14 ans, a montré que 91% des enfants au Maroc seraient victimes de tout genre de violences, et on peut penser que cette violence a du s’accroitre durant la période du confinement, pour des raisons que nous avons cité auparavant. Mais c’est une simple hypothèse qu’il faudra confirmer ou affirmer par une étude ciblée. Cette étude doit s’intéresser a toutes les catégories d’enfants, notamment les enfants avec des besoins spécifiques comme les handicapés, les enfants en situation de détention, les enfants de la rue, les enfants qui travaillent, les enfants sans parents, etc. C’est une catégorie d’enfants vulnérables, plus exposés aux risques de contamination par la Covid 19, démunis des moyens pour adopter et suivre les mesures préventives recommandées. C’est une tranche de la population à haut risque, et il incombe au gouvernement la responsabilité de les protéger (6).


En ce qui concerne la violence contre les femmes, malheureusement, c’est une pratique répandue au sein des familles à travers le monde. C’est un phénomène social, souvent a racines économiques et socioculturelles.Il préoccupe en premier lieu la communauté internationale, tel que manifesté par le Secrétaire Général de l’ONU, dans son discours du 5 Avril 2020. Il a appelé pour la paix à la maison pendant la pandémie(7), pour ce faire il a exhorté les gouvernements à placer les femmes et les filles au cœur deleurs efforts de relèvement de la Covid 19. Au Maroc, une étude faite en 2011 par le HCP (8), a révélé que 62,8% des femmes sont victimes d’un acte de violence dans les 12 mois précédant l’enquête, dont 3,8% en milieu urbain et 2,2% en milieu rural. L’étude a révélé aussi que la plus fréquente violence est la violence psychologique, qui représente 48% parmi d’autres types de violences, suivie de la violence physique (15,2%). Dans un rapport du HCP publié en 2019, la violence contre les femmes dans l’espace domestique fut de 52%, qu’avec le confinement et les conséquences économiques de la Covid 19, il faut s’attendre que cette tendance aille se prononcer d’avantage.


Les perspectives pour améliorer l’investissement multidimensionnel. Comme mentionné auparavant, le Maroc depuis le début des années 80 s’est engagé dans des actions concrètes concernant l’enfance et la femme, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation (9). Pendant le deux dernières décades, ses efforts se sont accrus dans le domaine de protection, aussibien des femmes que des enfants. Cet engagement, soutenu par les organismes internationaux et régionaux, a donné des résultats encourageants qu’il faudra maintenir et améliorer. C’est dans cette perspective que se situent les préoccupations concernant l’impact de la Covid 19 sur les femmes et les enfants.


Le Maroc doit continuer à accorder une attention particulière à cette masse critique de sa population, ceci pour deux raisons essentielles. D’abord, l’enfance est le présent et l’avenir du pays. Toute transformation et amélioration auxquelles aspire le Maroc, doivent se faire impérativement en compagnie des ses générations successives de son enfance. C’est le meilleur investissement multidimensionnel que notre pays peut faire. Le Maroc doit investir ses ressources dans le système éducatif, afin d’offrir a ses enfants une éducation de bonne qualité. Cette éducation doit être inclusive (10) et renforcée par la recherche et l’innovation afin de bénéficier de ses capacités et réduire la fuite des cerveaux. Le deuxième secteur garant de la solidarité nationale, est celui de la santé, le secteur qui reflète la ‘’bienveillance de l’État’’, matérialisée par la solidarité du contribuable envers les familles, notamment celles traversant des moments difficiles de la vie.


La protection sociale au Maroc reste un secteur de portée limitée, excluant une bonne partie des citoyens actifs, notamment ceux travaillant dans le secteur privé et le secteur informel de l’économie y compris en milieu rural ( l’agriculture de 11-18% du PIB). Le développement de notre pays ne peut atteindre ses objectifs avec un système sanitaire à la traine, démuni des moyens, considéré encore comme secteur de consommation seulement. Aucune production ne peut être garantie sans pouvoir compter sur une main d’ouvre en bonne santé et performante. Aucun projet touristique ni industriel délocalisé, ne peut se sentir en sécurité dans notre pays, si notre système de santé est défaillant, n’offrant pas un service de bonne qualité, partout et à tout moment. Nous avons vu la fierté des Marocains lors du témoignage de certains étrangers retenus au Maroc à cause de la pandémie. L’éducation et la santé sont les deux piliers indispensables et primordiaux, pour bâtir la plateforme sur laquelle on peut valoriser toutes nos richesses


La femme, malgré son rôle primordial et critique dans la société et ses sphères économiques, son statut est encore objet de discrimination, voire de violences. Elle a encore besoin de plus de protection et de soutien, afin d’occuper la place qu’elle lui revient, dans un État de droit et d’égalité.


En guise de conclusion, on peut dire que la pandémie Covid 19 aura été une aubaine pour la commission désignée par SM le Roi, en vue de réfléchir sur un nouveau modèle de développement, approprié à notre pays pour la prochaine décade (2030). La réalité de notre situation socio-économique a éclaté en grand jour en dégageant une multitude de données et une variété de questions et d’interrogations qui demandent des réponses appropriées. Le cas échéant, l’identification des pistes pour approfondir la réflexion et l’analyse est primordiale. Cette analyse concernant l’impact provoqué par la Covid 19 sur le Maroc, doit être impérativement complétée par l’analyse des tendances au niveau mondiale. La crise mondiale provoquée par la Covid 19 va certainement générer une nouvelle carte géopolitique de référence, que notre pays doit impérativement prendre en considération afin de naviguer ans entraves.


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* Mohamed Bendriss Alami. Ancien directeur régional adjoint de l’UNICEF pour la région du Moyen Orient et l’Afrique du Nord (MENA), Représentant de l’UNICEF dans plusieurs pays.





(1) La Convention des Droits de l’Enfant (CDE) fut ratifiée en 1993.La CEDAW, le Convention sur l’Élimination de toutes Formes de Discrimination contre les Femmes, fut ratifiée par le Maroc en1993. La levée des réserves en Décembre 2008 et l’adoption par la Chambre des Représentants en Aout 2015


(2)Plusieurs ONG travaillent dans le secteur des femmes et enfants, Un collectif de 27 associations à lance un plaidoyer contre les violences aux femmes durant la pandémie du Covid 19. L’AMDH est aussi très active en faveur des femmes affectées par la pandémie


(3)Declaration de Mme. Henrietta Fore: Executive Director de UNICEF: ‘’don’t let children be bidden victims of COVID-19 pandemic. NY. April 9, 2020.


(4)24% Population pauvre ou pouvant l’être. Rapport de la Banque Mondiale du 10/10/2019. En 2018, le HCP dans sont rapport annuel a estimé que 37,7% de la population seront pauvres.


(5)Mme. Henriette Fore, ED d’UNICEF. NY, May 13,2020.


(6)Appel de Mr. Antonio Guterres, SG de l’ONU. NY, 5/4/2020.


(7)HCP : Haut-commissariat au Plan. Rabat, Janvier 2011.


(8)Le progrès en éducation. Le taux de scolarisation estpassé de 92,1% en 2008-2009 à 99,1% en 2016-2017.


Dans le domaine de la santé, d’après les résultats de l’enquête (ENPSF) 2017-2018, Entre 2011 et 2018 la Mortalité Infantile de moins 5 ans a baissé de 27%, soit 22,16 décès/ 1000 naissances vivantes. Le TMI est passé de 28,8 décès a 18 décès/ 1000 dans la même période, soit une réduction de 38%. La mortalité maternelle a connu aussi une importante baisse au Maroc en passant de 112 décès/100.000 naissances durant la période 2009-2010 à 72,6/100.000 durant la période 2015-2016, soit une réduction de 35%.


(9)L’Enquête Panel des Ménages de l’OMDH de 2015, montre qu’au Maroc. Que 39,7% des enfants (groupe de 0-7ans) sont pauvres multi dimensionnellement, 18,8% d’enfants au Maroc sont soit pauvres soit vulnerables monétairement





(10)Dernier rapport du PNUD sur l’Indice Mondial de la pauvreté multidimensionnelle pour l’année 2019 situe l’intensité de la privation des Marocains a 45,7%

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